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Université Michel de Montaigne - Bordeaux III
Année 2004 N°
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Thèse
Pour obtenir le grade de
Docteur de l’Université Michel de Montaigne Bordeaux 3

Discipline : Histoire de l’Art

Sonia KIRCH-ABAD

Milites Christi.
Les programmes peints & sculptés en France dans les églises des Hospitaliers de Saint-Jean et des Templiers (fin XIIe siècle à 1312) : étude iconographique.

Sous la direction de
Michelle GABORIT (Bordeaux III) (+) R.I.P.

Version ©Sonia Kirch-Abad pour l’Association des Amis du Patrimoine des Ordres religieux militaires. Tous droits réservés de modification, reproduction, diffusion réservés pour tout pays sans restriction de date. Le piratage est un délit passible de poursuites judiciaires.

Avertissement. Un chaos dont il faut s’extraire

La France comporte, heureusement, de nombreuses églises et chapelles dépendant des commanderies (ou simples maisons) des deux plus célèbres ordres religieux-militaires internationaux, l’Hôpital de Saint-Jean-de-Jérusalem et le Temple, subsistant en élévation.
La Base MERIMEE du Ministère de la Culture recense, avec la recherche par champ (« commanderie »), 203 chapelles en 2003 ! J’en ai d’abord entre 1997 et 2001 retenu soixante-seize énumérées ci-après et faisant l’objet de notes, pour lesquelles des sources d’archives antérieures à 1312 attestent avec une certitude presque complète l’origine templière ou hospitalière, ces 76 chapelles demeurant en élévation.
La liste tronquée de ce pré-inventaire, par ordre alphabétique -le classement chronologique étant impossible car les datations proposées par les auteurs et sources consultés sont erronées ou controversées ou sujettes à caution-, figure ci-après, avec quelques commentaires indispensables.
Il donnera une idée de l’ampleur que peut prendre l’entreprise d’un inventaire rigoureux et exhaustif, ce qui n’est pas la prétention de notre pré-inventaire et encore moins le sujet de notre thèse.

Pour rendre aisée la lecture de ce pré-inventaire ont été utilisées les abréviations suivantes : (HospStJJ) pour Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, (T) pour Templiers, (HospStJER) pour hospitaliers de Saint-Jacques-de-l’Epée-Rouge. Les dates entre parenthèses indiquent celles de l’apparition d’établissement hospitalier ou templier tel que la chapelle dans les sources diplomatiques.

Subsistent notamment, avec leur chapelle XIIe-XIVe siècle en élévation :

  1. Aix-en-Provence (Saint-Jean-Baptiste) (HospStJJ) (Bouches-du-Rhône) (ancien diocèse d’Aix)
    L’église Saint-Jean de Malte d’Aix-en-Provence est d’origine hospitalière certaine, et a fait l’objet d’études scientifiques rigoureuses. Cette église de commanderie hospitalière ne possède pas de programme peint s’inscrivant dans notre aire chronologique, puisque les vestiges découverts sont du XVe siècle. De surcroît, elle a été reconstruite dans son ensemble par Charles 1er d’Anjou de 1272 à 1278. Quant à la sculpture, sur le plan iconographique qui est notre champ d’étude strict, elle n’est historiée que sur quelques clefs de voûte : ce sont de trop pauvres indices pour notre problématique. Que faire avec des feuillages ? En revanche, cette église intéresse l’histoire de la maison de Barcelone, dont elle servit de sépulture dès le 2e quart du XIIIe siècle, et celle des maîtres de l’Hôpital, en particulier celle d’Hélion de Villeneuve, qui y fit édifier, suivant la mode pontificale en Avignon, sa chapelle avant 1330.
  2. En Arles (Bouches-du-Rhône) (ancien diocèse d’Arles)
    Il demeure une imposante commanderie maltaise avec sa chapelle -d’époque indéterminée. Aucun vestige de programme peint et/ou sculpté médiéval ne m’est connu. Elle abrite aujourd’hui le Musée Réattu.
  3. En Alsace, une chapelle templière se trouve à Andlau (Bas-Rhin).
    L’ordre des chevaliers Teutoniques s’y installa en 1312 et y entreprit une décoration intérieure et des constructions de grande ampleur entre 1741 et 1742 par Jean Caspar Bagnato, architecte de l’Ordre. C’est du moins tout ce que nous savons à son égard.
  4. Angles (T) (Charente) (ancien diocèse d’Angoulême)
    Elle ne comporte pas de programme peint et/ou sculpté de l’époque qui nous intéresse.
  5. 5. Arzal en fait LANTIERNE (T), (commune d’Arzal) (Morbihan) (ancien diocèse de Vannes)
    La chapelle du Temple de Lantierne à Arzal (Morbihan) a conservé fort bien sa chapelle, qui ne comporte pas, ou plus, de programme peint, et ce n’est pas sa sculpture qui nous servira.
  6. Arville (Notre-Dame) (T) (Loir-et-Cher) (ancien diocèse de Chartres)
    Dans le Loir-et-Cher, la chapelle Notre-Dame du Temple d’Arville est très célèbre pour la qualité remarquable de conservation des éléments annexes de la commanderie hospitalière qu’elle desservit après la dévolution. En revanche, elle n’a conservé à ma connaissance aucun vestige de programme sculpté et/ou peint.
  7. Auzon (parfois écrit Ozon) (Saint-Jean-Baptiste) (T) (commune de Châtellerault, Vienne) (ancien diocèse de Poitiers)
    En Poitou, dans la Vienne, Saint-Jean-Baptiste d’Auzon (commune de Châtellerault) est d’origine templière ; en 1312, elle est dévolue aux hospitaliers de Saint-Jean, qui la conservent jusqu’à la Révolution . Elle possède un Christ en gloire entouré des Symboles des Evangélistes, de style gothique, sur le cul-de-four de son abside semi-circulaire. Aucune scène supplémentaire ne nous est connue.
  8. Avignon (Notre-Dame-de-Bethléem, puis Saint-Jean Baptiste sous les hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem) (T) (Vaucluse) (ancien diocèse d’Avignon)
    En Avignon (Vaucluse), l’église templière Notre-Dame-de-Bethléem desservant une riche commanderie urbaine ne comporte que quelques clefs de voûte historiées, ornées des sujets suivants : un ange tourné vers l’ouest (travée du chevet) tenant un phylactère et pointant l’index droit ; deux figures sur les clefs des travées III –identique à celui du chevet- et II -un personnage soufflant dans une trompe. Dans la première travée, à l’ouest, c’est le Christ en majesté qui trône, bénissant de la main droite, tenant le Livre de Vie de la main gauche. L’église templière Notre-Dame-de-Bethléem ne comporte pas de vestiges de programme peint à notre connaissance : en revanche, elle intéressera les historiens de l’art spécialistes d’architecture pour son parti architectural très inspiré de l’opus francigenum.
  9. Baugy (T) (Calvados) (ancien diocèse de Bayeux)
    A Baugy (Calvados), l’église templière de la commanderie n’a conservé que des fragments de peintures décoratives avec des motifs de faux-joints ou à base de cercles et d’arcs-de-cercle .
  10. Beaune (Saint-Jacques) (T) (Côte-d’Or) (ancien diocèse d’Autun)
    A Saint-Jacques de Beaune (Côte d’Or), chapelle de commanderie templière où Jacques de Molay reçut l’habit en 1265, il n’y a aucun vestige exploitable de programme peint et/ou sculpté. Son portail sculpté a été démonté et emmené aux Etats-Unis. C’est fort regrettable car la commanderie Saint-Jacques de Beaune, d’après les recherches prosopographiques que j’ai menées, semble bien avoir été une maison de recrutement et de formation de commandeurs en Bourgogne.
  11. Blaudeix (T) (Creuse) (ancien diocèse de Limoges) (vers 1283 ?, vers 1303, vers 1305)
    L’église de la commanderie templière de Blaudeix (Creuse), fort bien conservée, n’a pour décor peint qu’un badigeon blanc qui recouvre l’ensemble de l’édifice ; elle n’offre aucun programme sculpté.
  12. Bourganeuf (HospStJJ) (Creuse) (ancien diocèse de Limoges)
    L’origine hospitalière de Saint-Jean de Bourganeuf (Creuse) ne fait aucun doute, mais elle n’offre aucun programme sculpté et/ou peint historié. Son état de conservation est très satisfaisant.
  13. Bourgoult (T) (Eure) (ancien diocèse de Bayeux).
    Il en est de même pour la chapelle templière de Bourgoult.
  14. La chapelle hospitalière de Breuilaufa (Haute-Vienne) (ancien diocèse de Limoges),
    Elle est bien conservée en élévation, et ne comporte pas davantage de programme décoratif monumental.
  15. Brettemare (T) (Eure) (ancien diocèse d’Evreux)
    La même remarque peut être émise.
  16. Bretteville-le-Rabet (T) (ancien diocèse de Bayeux)
    Semblable observation est faite à son sujet.
  17. Saint-Martin-de-Brômes (T) (Alpes-de-Hautes-Provence)
    Il en est de même.
  18. Braize (T ?) (Allier)
  19. Carentoir (Notre-Dame puis Saint-Jean-Baptiste) (T) (Morbihan) (ancien diocèse de Vannes)
    A l’église templière Notre-Dame (puis Saint-Jean-Baptiste) de Carentoir (Morbihan), il n’y a pas –ou plus- de programme peint et/ou sculpté, seul son gisant de bois, supposé être celui d’un templier, et sa croix-reliquaire, sont intéressants dans le cadre de cette thèse.
  20. Castelsarrasin (Saint-Jean-Baptiste) (HospStJJ) (Tarn-et-Garonne) (ancien diocèse de Rodez)
    Son intérêt pour nous est nul, puisque la chapelle a été reconstruite en 1560.
  21. Chambéraud (Saint-Jean-Baptiste, puis Saint-Blaise) (T) (Creuse) (ancien diocèse de Limoges) (1301-1302)
  22. Charmant (T) (Charente) (ancien diocèse d’Angoulême)
  23. Charrières (T) (commune de Saint-Moreil) (Creuse) (ancien diocèse de Limoges) (1307 ?)
  24. Châteaubernard (T) (Charente) (ancien diocèse d’Angoulême)
  25. Chauliac/Chauliat/Chaulhac (lieu-dit La Commanderie, commune du Broc) (T ou HospStJJ) (Puy-de-Dôme) (ancien diocèse de Clermont)
    A Chauliac/Chauliat/Chaulhac (Puy-de-Dôme), l’origine de la chapelle n’est pas certaine, et ses peintures datent des XIIIe-XVe siècles.
  26. Chaynat/Cheinac/Chaynac (commune de Ludesse) (T) (Puy-de-Dôme) (ancien diocèse de Clermont)
  27. Clisson (La Madeleine) (T) (Loire-Atlantique) (ancien diocèse de Nantes)
    A l’église templière de la Madeleine de Clisson (Loire-Atlantique), demeurent quelques sculptures à motifs végétaux qui ne peuvent nous servir.
  28. Corbeil (Saint-Jean-en-l’Île) (HospStJJ) (Essonne) (ancien diocèse de Paris)
  29. Coulommiers (T) (1129 ?) (Seine-et-Marne) (ancien diocèse de Meaux)
  30. Courval (commune de Vassy) (T) (Calvados) (ancien diocèse de Bayeux) (vers 1150 ?)
  31. Cressac (Le Dognon) (T) (Charente) (ancien diocèse d’Angoulême)
    Retenue dans notre corpus.
  32. La Croix-au-Bost (Saint-Jean-Baptiste) (HospStJJ) (1180) (commune de Saint-Domet) (Creuse) (ancien diocèse de Limoges)
    Retenue dans notre corpus.
  33. Les Essards (Saint-Jean) (T) (Charente) (ancien diocèse d’Angoulême)
  34. Fontaine-la-Cado (T) (Eure) (ancien diocèse d’Evreux)
  35. Fouqueure (Saint-Etienne) (T) (Charente) (ancien diocèse d’Angoulême)
  36. Lacapelle-Livron (T) (Tarn-et-Garonne) (ancien diocèse de Rodez)
  37. La Grave d’Ambarès (Notre-Dame de La Grave) (T) (commune d’Ambarès-et-Lagrave) (Gironde) (ancien diocèse de Bordeaux)
    Elle comporte quatre scènes historiées, récemment étudiées , mais dont l’état, même sur les relevés de 1957 commandés par le Musée des Monuments Français, ne permet pas d’étude iconographique approfondie. Ces scènes donnaient à voir la Crucifixion, selon le schéma habituel en Occident, le Rédempteur cloué à une croix ayant l’aspect de celle d’une croix de procession ou d’autel, autrement dit liturgique et orfévrée. Une Vierge à l’Enfant lui répondait. Plus spectaculaire, le Christ recueillant l’âme de la Vierge dans un voile, pouvait nous inciter à retenir ces vestiges très abimés dans notre corpus. Leur état déplorable sur les relevés, le peu d’espace qu’elles occupent, et le nombre restreint des scènes historiées m’ont interdit de la considérer davantage.
    Que dire de plus sinon que ces scènes sont christologiques, mettant en évidence la valeur salvifique de la Crucifixion –soit un pléonasme-, avec une vénération affirmée envers la Vierge ? La quatrième scène est impossible à interpréter, qui plus est : deux personnages, dont l’un nimbé, se font face. Le cas d’Ambarès-et-Lagrave est symptômatique : rien et son contraire, en matière d’iconographie, peuvent être dits au sujet de ses peintures.
  38. Le Grand-Masdieu (T) (Charente) (ancien diocèse d’Angoulême)
  39. Guizengeard (Saint-Jean-Baptiste) (T) (Charente) (ancien diocèse d’Angoulême ?)
  40. La Haie-du-Val-Saint-Denis (T) (Eure) (ancien diocèse d’Evreux)
  41. Laon (Saint-Jean-Baptiste) (T) (Aisne) (ancien diocèse de Laon)
    A notre connaissance son programme sculpté est seulement décoratif.
  42. Lavaufranche (Saint-Jean-Baptiste) (HospStJJ) (1206) (Creuse) (ancien diocèse de Limoges)
    Retenue dans notre corpus.
  43. Le Coudray-Macouart (Saint-Jean-Baptiste) (HospStJJ) (Maine-et-Loire) (ancien diocèse d’Angers)
  44. Le Gué-Lian /Le Guélian (Sainte-Emerance) (T ) (1271/1275) (Sarthe) (ancien diocèse du Mans)
    Des peintures du XVe siècle sont à signaler.
  45. Le Plan (Notre-Dame-de-l’Assomption) (HospStJJ ou T) (Hautes-Pyrénées) (ancien diocèse de Comminges)
    Elle est dite « chapelle des Templiers » sur les cartes routières et les organismes touristiques qui abusent de ce nom, et n’a pas d’origine certaine : la confusion la plus complète règne dans les bases de données ou dans divers ouvrages d’histoire locale plus ou moins pertinents. De fait, il est périlleux de l’attribuer au Temple ou à l’Hôpital Saint-Jean. De surcroît, elle ne comporte que deux scènes historiées, semblant du XIIIe ou du XIVe siècle (?), très abimées : une Nativité et saint Michel avec sa balance.
  46. Le Saulce-d’Island (T) (Yonne) (ancien diocèse d’Autun)
  47. Le Temple (T) (Puy –de-Dôme, commune de Larodde) (ancien diocèse de Clermont)
  48. Louvigny (T certainement) (Orne) (ancien diocèse de Sées)
  49. Lugaut (Notre-Dame) (HospStJJ) (Landes) (ancien diocèse d’Aire)
    Retenue dans notre corpus.
  50. Luz (HospStJJ) (1240) (Hautes-Pyrénées) (ancien diocèse de Tarbes)
  51. Magrigne (Sainte-Quitterie) (commune de Saint-Laurent-d’Arce) (T ou HospStJJ ? Ou…HospStJER ?) (Gironde) (ancien diocèse de Bordeaux)
  52. Messac (Le Temple de la Coëffrie) (Saint-Jean-Baptiste) (T) (commune de Messac, Ille-et-Vilaine) (ancien diocèse de Rennes)
    A la chapelle Saint-Jean-Baptiste de Messac (Ille-et-Vilaine), connue sous le nom de Temple de la Coëffrie, il ne demeure que de maigres fragments d’un Christ en gloire entouré des Symboles des Evangélistes, sans plus.
  53. Metz (T) (Meurthe-et-Moselle) (ancien diocèse de Metz) « Chapelle des Templiers »
    Elle comportait au début du XXe siècle une Vierge adorée par un donateur.
  54. Montarouch (Saint-Jean Baptiste) (T) (ca.1153) (commune de Targon) (Gironde) (ancien diocèse de Bordeaux)
  55. Mondoubleau (T) (Loir-et-Cher) (ancien diocèse de Chartres)
  56. Montbellet (Sainte-Catherine) (T) (commune de Mercey) (Saône-et-Loire) (ancien diocèse de Mâcon)
    Retenue dans notre corpus.
  57. Montsaunès (Notre-Dame, aujourd’hui dédiée à Saint-Christophe) (T) (1179) (ancien diocèse de Comminges)
    Retenue dans notre corpus.
  58. Mulhouse (Saint-Jean) (HospStJJ) (1269) (ancien diocèse de Bâle)
  59. Paulhac (Décollation de Saint-Jean-Baptiste) (T) (commune de Saint-Etienne-de-Fursac) (Creuse) (ancien diocèse de Limoges)
    Retenue dans notre corpus.
  60. Plaincourault (HospStJJ) (commune de Mérigny) (Indre) (ancien diocèse de Poitiers)
    Retenue dans notre corpus.
  61. Pontaubert (Nativité Notre-Dame) (HospSTJJ) (Yonne) (1167) (ancien diocèse d’Autun)
  62. Rampillon (Saint-Eliphe) (HospStJJ très probablement) (Seine-et-Marne) (ancien diocèse de Sens)
    Retenue dans notre corpus.
  63. Saint-Martin-de-Brômes (T) (Alpes-de-Haute-Provence)
  64. Sainte-Eulalie-de-Cernon (T) (Aveyron) (ancien diocèse de Vabres)
  65. Sélestat (Saint-Jean) (HospStJJ) (13e siècle) (1399) (Bas-Rhin) (ancien diocèse de Strasbourg)
  66. Thévalle/ Thévalles (H) (Mayenne, commune de Laval) (ancien diocèse du Mans) (1220)
  67. Valcanville (T) (Manche) (ancien diocèse de Coutances)
  68. Villedieu-de-Saultchevreuil à Villedieu-les-Poëles (HospStJJ) (Manche) (ancien diocèse de Coutances)
  69. Villedieu-la-Montagne (HospSTJJ) (Seine-Maritime) (ancien diocèse de Rouen)
  70. Villedieu-lès-Bailleul (HospStJJ) (Orne) (ancien diocèse de Sées)
  71. Villemartin (HospStJJ) (Gironde) (ancien diocèse de Bordeaux)
    A la chapelle hospitalière de Villemartin (Gironde) on relève des chapiteaux sculptés avec des têtes couronnées, rien qui ne soit éclairant quant à la piété des hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, semble-t-il.
  72. Villemoisan (L’Hôpital-Béconnais de) (T) (Maine-et-Loire) (ancien diocèse d’Angers)
    A Villemoisan, la chapelle templière a conservé un labyrinthe et un croisé de l’époque templière (peut-être un templier, mais ce n’est pas sûr, son torse est très effacé, comme son écu) ; le reste des peintures date du XVe siècle, dans l’abside.
  73. Villemoison (Saint-Jean-Baptiste) (T) (commune de Saint-Père) (Nièvre) (ancien diocèse d’Auxerre)
    A la chapelle templière Saint-Jean-Baptiste de Villemoison (Nièvre) des fragments en mauvais état d’un Christ en gloire entouré des Symboles des Evangélistes demeurent.
  74. Viville (Saint-Jean-Baptiste) (T) (Charente) (ancien diocèse de Saintes)
  75. Voismer (T) (Calvados) (ancien diocèse de Bayeux)
  76. Ydes (Saint-Georges, aujourd’hui Sainte-Thérèse) (T)(Cantal) (ancien diocèse de Clermont)
    Quant à Ydes, templière (Cantal), elle offre deux beaux chapiteaux historiés dans le chevet, lesquels représentent l’Assomption de la Vierge et Daniel dans la fosse aux lions. Mais deux chapiteaux ne constituent pas un programme (soit un ensemble cohérent dans le temps et l’espace ecclésial)…

Introduction générale

I. La constitution du corpus

A. Définition de l’aire chronologique

Pour le Temple, la chronologie, pour ainsi dire, s’impose d’elle-même : la naissance et la mort de l’Ordre sont bien datées par le Concile de Troyes de 1129 et par le Concile de Vienne de 1312, qui se chargea de son extinction par l’intermédiaire de Clément V avec sa bulle pontificale de suppression de l’Ordre Vox in excelso.

En revanche, pour l’Hôpital Saint-Jean, le problème s’avère complexe : entend-on, et doit-on considérer seulement l’Hôpital Saint-Jean de Jérusalem (fin XIe siècle-ca.1309), ainsi que l’Hôpital Saint-Jean de Rhodes (ca.1311-1522) ? L’iconographie, le style, les aménagements liturgiques et les agencements mobiliers et architecturaux se modifiant avec le Concile de Trente (1545-1563), nous considérerons seulement l’Hôpital Saint-Jean-de-Jérusalem, et l’Hôpital Saint-Jean de Rhodes, autrement dit une période allant de la fin du XIIe siècle jusqu’à 1312, date de la dévolution des biens du Temple à l’Hôpital Saint-Jean-de-Jérusalem par la bulle Ad providam Christi. C’est cette aire chronologique que nous avons arbitrairement choisie pour l’Hôpital Saint-Jean, car elle permet de comparer les programmes des deux ordres sans risque d’anachronisme.

B. Des sites aux origines templières ou hospitalières attestées

Lorsque l’on a la chance de se trouver en présence d’un établissement de l’Hôpital Saint-Jean-de-Jérusalem (ou de Rhodes !), encore faut-il déterminer son origine. En effet, en vertu de la bulle clémentine Ad providam Christi du 2 mai 1312, tous les biens du Temple, mobiliers ou immobiliers, furent dévolus à l’Hôpital Saint-Jean. En conséquence, Le Dognon (ancien diocèse d’Angoulême, Cressac-Saint-Genis, Charente), Saint-Jean-Baptiste de Paulhac (ancien diocèse de Limoges, Saint-Etienne-de-Fursac, Creuse), Sainte-Catherine de Montbellet (ancien diocèse de Mâcon, Mercey, Saône-et-Loire), toutes assurément templières, ayant toutes déjà été ornées de peintures historiées, devinrent hospitalières.

A cet égard, des réserves sont à prendre en considération pour des peintures murales attribuées en Auvergne aux hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem :
« Certaines oeuvres limousines ou auvergnates ont été datées de la reprise par les hospitaliers. Or l’intégration a été longue, difficile et coûteuse, et les hospitaliers ont souffert ensuite de graves difficultés financières [cf. 200 000 livres que Philippe Le Bel s’est généreusement octroyées sur les biens templiers saisis...], ce qui rend peu vraisemblable une commande proche de 1312. »

Dans sa contribution au colloque de Malte de novembre 2000, la même historienne de l’art revient clairement sur les datations de 1312 de certaines peintures murales attribuées aux hospitaliers :
« Si l’on examine les datations et les représentations, il n’apparaît pas pertinent de séparer templiers et hospitaliers. Cependant, j’ai choisi de ne parler que des hospitaliers de la Marche limousine, pour ne pas allonger trop la liste. On pourrait ajouter par exemple les peintures des hospitaliers d’Auvergne : Chauliac (saint Jean-Baptiste, saint Blaise, peut-être saint Louis) ou Vic-le-Vicomte (apôtres sous un décor architecturé, saint Blaise, saint Jean-Baptiste). Ces oeuvres sont le plus souvent attribuées à une époque postérieure à la réunion des domaines (1312), ce qui en change la portée : certes, les hospitaliers auraient pu avoir alors besoin d’affirmer leur puissance, mais on peut s’interroger sur cette datation, étant donné que, dans un premier temps, la dévolution des biens templiers leur a apporté plus de charges que de ressources [...]. »

Or, ce changement de propriétaire, en particulier dans les ouvrages à grand tirage ou dans les articles anciens, est particulièrement difficile à percevoir, ou à soupçonner. Parfois, il faut confronter au moins plusieurs articles (et souvent est-ce malheureusement une rencontre fortuite), publiés longtemps les uns après les autres, pour deviner quelle pût être l’origine de l’édifice étudié, ou invalider une attribution que les sources manuscrites contemporaines du Temple ou de l’Hôpital Saint-Jean de Jérusalem -lorsqu’elles subsistent- contestent, sachant que des faux ont pu être écrits peu de temps après la suppression du Temple par les Hospitaliers dans le cas d’une éventuelle contestation de suzeraineté ou de droits de péage ...

C’est pourquoi les problèmes d’archivistique, mis en relation avec une ébauche de datation des peintures murales sont capitaux : avant 1312, rien n’est forcément simple, et une attribution erronée peut invalider l’interprétation iconographique du programme, nonobstant toute la prudence que l’on aura voulue déployer, en dépit même de la superficialité éventuelle de ladite interprétation (lorsque la scène est lacunaire, par exemple). La conservation des archives templières et hospitalières, lorsqu’elles demeurent, n’est pas la seule gageure à relever quant à la constitution d’un corpus iconographique exploitable.

C. Des sites aux vestiges denses

En effet, pour être fidèle à l’objectif que je me suis fixée il faut ne retenir ici que les ensembles, et non quelques fragments à peine identifiables.
Rappelons ceci : prétendre jeter un jour nouveau sur l’idéologie, et donc aussi les pratiques religieuses via les connexions liturgiques avec l’ensemble du décorum monumental est dangereux si on ne base pas ses observations, puis ses hypothèses, sur des ensembles fiables. Par fiabilité des exemples du corpus, il faut entendre :
1. Une origine templière ou hospitalière de Saint-Jean de Jérusalem attestée par des archives authentiques antérieures à 1312, afin d’éviter de pérenniser toute attribution caduque ;
2. Plusieurs scènes, plus de cinq, si possible relevant tant de l’ornemental que de l’historié (thématique et narratif) ;
3. Ces scènes doivent être rigoureusement authentiques ;
4. Si ces scènes ont été restaurées, la date d’intervention et le nom du restaurateur ou celui de la personne morale qui en fut l’auteur doivent être connus et mentionnés ;

A partir de l’ensemble présenté plus haut, nous pouvons mettre en évidence un sous-groupe comportant des vestiges peints ou sculptés. Par « vestiges », nous entendons des fragments dispersés dans l’édifice (critère discriminant d’incohérence spatiale due aux ravages de l’humidité, des pratiques iconoclastes, des incendies, etc.), dispersés dans le temps (comprendre 150-200 ans), dont l’état est si lacunaire qu’une étude iconographique est impossible, et dont le nombre ne permet en rien de les rendre significatifs dans le cadre de notre thèse (Idéologie et iconographie, etc.).

En revanche, ils sont à prendre en compte dans le cadre d’un inventaire complet des peintures et sculptures des églises et chapelles des hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem et des templiers en France au Moyen Age : à notre connaissance, cet inventaire n’a pas été mené à bien, il constitue une thèse de doctorat en soi (problèmes archivistiques inclus).

Subsistent avec des programmes peints et sculptés des XIIe –début XIVe siècles :

  • 1. Cressac (en fait Le Dognon) (T) (commune de Cressac-Saint-Genis) (Charente) (ancien diocèse d’Angoulême)
  • 2. La Croix-au-Bost (Saint-Jean Baptiste) (HospStJJ) (commune de Saint-Domet) (1180) (Creuse) (ancien diocèse de Limoges)
  • 3. Lavaufranche (Saint-Jean Baptiste) (HospStJJ) (1206) (Creuse) (ancien diocèse de Limoges)
  • 4. Lugaut (Notre-Dame) (HospStJJ) (commune de Retjons) (Landes) (ancien diocèse d’Aire)
  • 5. Montbellet (Sainte-Catherine) (T) (commune de Mercey) (Saône-et-Loire) (ancien diocèse de Mâcon)
  • 6. Montsaunès (Notre-Dame, aujourd’hui dédiée à Saint-Christophe) (T) (septembre 1179) (ancien diocèse de Comminges)
  • 7. Paulhac (Décollation de Saint-Jean Baptiste) (T) (commune de Saint-Etienne-de-Fursac) (23 juin 1282)
  • 8. Plaincourault (HospStJJ) (commune de Mérigny) (Indre) (ancien diocèse de Poitiers)
  • 9. Rampillon (Saint-Eliphe) (HospStJJ très probablement) (Seine-et-Marne) (ancien diocèse de Sens)
    Elles ont toutes été retenues dans notre corpus.

Enfin, ne subsiste plus en élévation, mais comporte un programme peint (tout au plus un siècle entre le début et la fin du programme : charnière XIIe-XIIIe -milieu du XIIIe siècle à Artins (Saint-Jean-Baptiste) (HospStJJ) (Loir-et-Cher) (ancien diocèse du Mans) : elle complète notre corpus car elle est fort bien documentée.

II. Questions d’histoire… des mentalités

A partir de quel instant l’image médiévale occidentale acquiert-elle du sens ? Autrement dit, à partir de quel moment celle-ci renvoie-t-elle à une réalité autre qu’elle-même, puisque l’on refuse définitivement une perspective strictement formaliste ?

Cette question, éminemment troublante pour l’iconographe, se pose fatalement dès que celui-ci cherche à interpréter une image, qu’elle soit historiée (représentation d’un saint, par exemple, en tant qu’image thématique ou narrative) ou « géométrique » (représentation d’une grecque, de rubans plissés, de rinceaux non habités, damassage...), sachant que l’image historiée -ou non- répond à un triple désir d’ornementation, d’ennoblissement et de structuration de l’ensemble auquel elle peut appartenir, quel que soit le degré de profondeur d’analyse.

Aussi, pour interpréter une image doit-on s’interdire de sombrer soit dans l’écueil formaliste (l’image, même historiée, n’a de raison d’être que par sa forme, son style, son graphisme) ou fonctionnaliste.

Cependant, il existe un autre danger : celui de considérer une image surtout et/ou seulement comme un conglomérat de symboles ou comme un symbole unique, et partant, de lui assigner, de manière arbitraire, une valeur non exotérique, excluant d’emblée toute une part non lettrée d’un public qui l’a fréquentée, côtoyée voire « rencontrée », imperméable à sa presentia.

Le Moyen Age n’est pourtant pas seulement l’époque des grands docteurs romans et gothiques, tels que Honorius d’Autun, saint Bernard, Guillaume de Saint-Thierry, Yves de Chartres, Isaac de l’Etoile, Joachim de Flore, Vincent de Beauvais, Alain de Lille, ou saint Thomas d’Aquin.
Il y a aussi, et surtout, tout un peuple anonyme, incroyablement hétérogène, donc passionnant, qui venait, à travers les images, par la présence de celles-ci, rendre grâce à Dieu et à ses saints, affirmer leur fidélité à l’Eglise catholique romaine , demander une faveur, commémorer la Passion et les martyres, obtenir le suffrage des saints pour un proche décédé, s’instruire, prier pour leur salut, obtenir une indulgence...
Il existait une confluence entre les motivations des « illettrés », des bourgeois, des patriciens, des marchands, des seigneurs, des chevaliers, des serfs, des vilains, des mendiants, donc des laïcs, des clercs (moines, chanoines, ecclésiastiques, dont les convers, dont les hospitaliers de Saint-Jean et les templiers qui appartenaient à l’ordo canonicus). Ce dialogue était collectif, regroupant les différents corps de la société médiévale tout en en rappelant les clivages, si on prend l’exemple des ostensions ...

L’image médiévale, dans les édifices cultuels, s’adressait à tous ceux qui se rendaient dans ces derniers, quelles que fussent leur extraction et leur éducation. Inscrite dans l’espace ecclésial, elle appelait la « christianité » de chacun à se manifester, dans les bonnes oeuvres, la prière, la pratique des vertus, la communion dans l’Eglise et ses saints, les sacrements. Loin d’être exclusive, « ésotérique », l’image religieuse médiévale dans les églises appelait le consensus au sein de l’oïkoumène chrétien, quelle que fût sa disposition géographique, en Terre sainte ou « outremer » comme l’eussent dit hospitaliers et templiers.

Or, quel art suscitait le consensus auprès des lettrés comme des illetterati ? La musique, naturellement, le chant en particulier. Le larynx donne à quiconque la possibilité -sauf aux muets et aux sourds- de fredonner, de chanter, de donner libre cours à ses émotions et à ses motivations par le biais de la vocalise. Ainsi naquirent des comptines, des berceuses, des chansons paillardes et/ou contestatrices, des cansúns enamourées, des plains-chants religieux.
Rien n’empêche de considérer l’image comme un chant en images juxtaposées ou superposées, à l’instar de la Polyphonie Aquitaine de Saint-Martial de Limoges avec ses Matines de Noël (12e siècle). Confortons cette proposition grâce à l’Apocalypse de saint Jean : les Vingt Quatre Vieillards aux pieds ou autour du trône de Dieu -les Prophètes de l’Ancien Testament et les Douze Apôtres- sont représentés dans les programmes sculptés et peints romans et gothiques avec des instruments de musique . Le chant se fait louange et demande de miséricorde à Dieu, repris en choeur par les chantres et les fidèles.
Plus encore : dans la musique ne s’opère pas, comme on le fait encore de nos jours, une distinction tranchée entre ornementation et récit. L’ornementation participe au récit du soliste ou du choeur ; elle l’enrichit par des « acrobaties » vocales stupéfiantes dans le cas des Matines de Noël de Saint-Martial de Limoges. Si le latin est la langue liturgique de l’Eglise romaine, et le grec celle de l’Eglise byzantine puis orthodoxe, il n’empêche que la beauté des mélodies ainsi que le travail des chanteurs aient ému les auditeurs.
Ainsi, les frises végétales, les rubans simples ou doubles, les grecques, les frises de peltes que nous verrons peuvent être perçus comme la rythmique du chant global du programme peint et sculpté. Le récit, par le même procédé analogique, est contenu dans les scènes historiées narratives et thématiques. Les couleurs des peintures donnent des notes sourdes ou éclatantes, le graphisme un timbre particulier à ces « notes » faites images.
Si nous poussons ce raisonnement à l’extrême, nous pouvons apprécier avec approximation la durée et l’éclat de ces « notes » par la taille respective des personnages peints ou sculptés : le personnage le plus grand par rapport aux autres prime et devient soliste au sein d’un choeur coloré, rythmé, mélodieux, l’ensemble exaltant Dieu, appelant sa miséricorde, cherchant à restaurer l’identité de l’Homme par rapport à Son Créateur dans la liturgie.
Par cette analogie entre l’image et la musique s’abolissent les artificielles et modernes distinctions entre l’ornement et le parlant. La tendance à fonctionnaliser des images à sens multiples en fonction de la culture et de l’affectivité de chacun n’a plus lieu d’être. Le désir d’enserrer la sensibilité humaine dans des concepts est neutralisé. Et le penchant médiéval à faire de tous les arts des disciplines apparentées, à lier l’arithmétique à l’esthétique, à concevoir les oeuvres sacrées comme un tout global se suffisant à lui-même est restitué.

Ce qui au départ semblait un dialogue entre ces images et l’iconographe devient une conversation à géométrie variable, -à l’instar du soliste et son verset et du chœur son répons- entre un public et des commanditaires médiévaux de ces images, lesquels forment en quelque sorte le « premier cercle » des spectateurs auditeurs de l’image , et à ladite conversation le chercheur se doit d’être autant attentif que discret.
Or, ce qui caractérise en premier lieu le corpus iconographique qui sera dans notre thèse étudié est le caractère sacré, ainsi que la fixité spatiale -adéquate à l’introspection spirituelle manifestée par la contrition et la contemplation, et à l’extraversion de la dévotion (cf. chant, procession, signe de la croix...).
Le public des programmes historiés peints, sculptés et gravés hospitaliers et templiers était-il identique à celui d’autres programmes historiés commandés par d’autres communautés religieuses, canoniques et/ou monastiques ? Ce public, en outre, était-il identique d’un site à un autre ? D’un diocèse, d’un comté à un autre ? D’une ville à une autre ?...La négation s’impose, l’ubiquité n’existe que dans les religions et les mythes, pas dans l’Histoire ! Et d’un point de vue global, la répartition socio-économique ne pouvait être strictement identique d’une contrée à une autre, et immobile dans le temps...
Il nous faudra donc tenter de retrouver des traces de ce public propre à chaque site, et ce dans chaque site, dans chaque ensemble « régional » englobant ces sites. D’où l’impérieuse nécessité, dès le départ de chaque analyse, de faire appel aux données cartographiques, géographiques. Enfin, en conclusion, de s’y référer derechef, pour les confronter aux résultats de nos analyses internes de l’iconographie de chaque programme choisi dans notre thèse.
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III. Des commanditaires peu connus

Public discret, protéiforme, commanditaires encore plus obscurs peut-être : l’Hôpital Saint-Jean de Jérusalem puis de Rhodes et le Temple ne se sont pas illustrés dans les grandes querelles théologiques de leur temps, telles que celles de l’Immaculée Conception de Marie, la Consubstantialité du Fils, du Père et du Saint-Esprit, les vertus salvifiques des sacrements…
Si ils connurent la disputatio, elle fut autant morale que physique, transformée en pugna spiritualis. Bernard de Clairvaux fit des templiers des vecteurs de la vengeance du Christ, lequel fut considéré par l’Eglise comme outragé par la présence des Sarrasins :
Sic Christus, sic novit « ulcisci in hostes suos”, ut non solum de ipsis, sed per ipsos quoque frequenter soleat tanto gloriosus, quanto et potentius triumphare. Iucunde sane et commode, ut quos diu pertulit oppugnatores, magis iam propugnatores habere incipiat, faciatque de hoste militem, qui de Saulo quondam persecutore fecit Paulum praedicatorem.

Les hospitaliers de Saint-Jean et les templiers, de fait, se sont distingués surtout dans les croisades, aux soins à apporter aux pauvres et aux malades, ainsi qu’à la défense de ces derniers, la défense armée de la Terre sainte ainsi que des routes, enfin la Reconquista.
La spiritualité de ces deux ordres se manifeste dans le combat physique contre les Musulmans et les Albigeois. Leurs membres trouveront le salut, non par leurs écrits, ou leur élucidation des mystères de Dieu, –qui constituent bien une liturgie pour Abbon de Fleury (mort en 1004) par exemple-, mais par leur glaive et leur écu, les templiers tuant les Infidèles, les hospitaliers de Saint-Jean le faisant aussi, tout en étant censés –templier comme hospitalier- protéger les pèlerins, ainsi que par l’assistance armée et « médicale » apportée aux pèlerins et aux malades.

En outre, pour évoquer derechef l’analogie entre chant et programme peint ou sculpté, il est fort probable que ni l’Hôpital Saint-Jean ni le Temple n’aient entretenu et développé (sauf éventuellement à Acre puis à Chypre pour les chapitres et le couvent chèvetains) de scola cantorum. Mais, de là à affirmer que le chant ne se pratiquait pas d’une quelconque façon, même rudimentaire, dans les commanderies d’outremer lors des messes, il y a un pas immense que l’on n’aura l’audace d’effectuer. Et ce, pour différentes raisons, fort simples au demeurant :
1. les commanderies avec leur chapelle se sont implantées près d’autres établissements conventuels leur préexistant : clunisiens, cisterciens, chartreux, grandmontains, couvents d’obédience martinienne (Saint-Martin de Tours ou Marmoutier) ou « martialienne » (Saint-Martial de Limoges), etc., ajoutés naturellement aux cathédrales et collégiales ;
2. côtoyant ou patronnant des églises paroissiales, les hospitaliers et les templiers ne pouvaient être sourds aux chants les animant…
3. l’Hôpital Saint-Jean de Jérusalem puis de Rhodes eut son Maître de l’Eglise, nommé par le Pape, ayant sous sa tutelle tous les frères-chapelains et prêtres. Le Temple a pu, quant à lui, incorporer des prêtres séculiers qui choisissaient d’incorporer temporairement l’ordre ;
4. si l’établissement hospitalier ou templier s’avérait trop menu pour avoir son chapelain attitré, un chapelain ou un vicaire séculier pouvait avoir plusieurs maisons sous sa charge. Il ne faut donc pas imaginer des communautés hospitalières ou templières en déshérence spirituelle, ni des communautés dont le souci et les moyens faisaient résonner leurs églises de chants complexes et variés.

En revanche, comme on le constatera, les églises templières étaient loin d’être indigentes sur le plan du « décor » monumental. Saint-Jean-Baptiste de Paulhac, par exemple, au parti architectural austère, comporte un Arbre de Jessé, sur les ébrasements de l’unique baie du chevet plat, trahissant des traces d’incrustation…Probablement de pâtes de verre, voire de dorures . Quant aux églises hospitalières choisies dans notre corpus, telle que Saint-Jean-Baptiste d’Artins, certaines demeurent, ou furent, stupéfiantes de somptuosité quant au décorum monumental.

Pour louer Dieu tandis qu’ils étaient en grande partie dans le siècle par le combat, la police, la gestion domaniale (nécessairement astucieuse pour dégager les bénéfices à distribuer au Levant ou la Péninsule Ibérique afin de poursuivre la croisade), les hospitaliers de Saint-Jean et les templiers firent chanter les murs mêmes de leurs chapelles et églises. Que leur foi fût partagée ou non, l’appel à Dieu demeure aujourd’hui, même si les « voix-couleurs » se sont assourdies, même si la « partition-programme » nous est parvenue en lambeaux fragiles. Oculi mei dit le Psalmiste, Audi mei dirent les orants. La peinture et la sculpture permirent aux hospitaliers de Saint-Jean et aux templiers de rendre leurs prières permanentes, en dépit de leurs activités multiples d’ordo canonicus. Ce dont profitèrent les laïcs qui fréquentaient leurs églises, en un Moyen Age finissant où les horloges des marchands sonnaient le glas des heures monastiques, où l’otium monastique et aristocratique se rétrécissait face au Temps de plus en plus avare et glouton .

IV. La constitution des outils préalables à la recherche universitaire

A. La constitution de connaissances spécifiques au sujet

Entreprendre une thèse sur un aspect peu étudié des deux ordres religieux militaires que l’on peut désigner vaguement sous le terme de « spiritualité » implique de prendre connaissance des origines et de toutes les activités de ces ordres.
En premier lieu, le contexte historique de la fondation, de l’évolution, de la suppression pour le Temple, de la reconversion pour l’Hôpital Saint-Jean de Jérusalem, sont à considérer pour ensuite s’intéresser à l’histoire propre de ces deux ordres.
Par histoire propre il faut entendre : celle des institutions hospitalières et templières, l’organisation des deux ordres, la création d’offices –de maréchal, de drapier, par exemple-, le fonctionnement des ordres avec la répartition des décisions, comment est élu le maître.
Ces données sont ensuite synthétisées sous la forme d’organigrammes , leur développement géographique sont présentés avant la rédaction de la thèse sous forme de tableaux afin d’éviter des fautes d’anachronisme, une méconnaissance des instances internes des ordres considérés ici.
En outre, il est indispensable de prendre connaissance des Règles du Temple (1129) et de celle de l’Hôpital Saint-Jean de Jérusalem (1153), de quelques Retraits et Esgarts. Ce sont les témoignages de ce qui était exigé des membres des deux ordres, et, en creux, de ce qu’ils risquaient de transgresser. Ces documents précieux -car émanant des deux ordres eux-mêmes- donnent une excellente première vision générale, à l’échelle de la Chrétienté, de leurs pratiques religieuses, que l’on peut ensuite comparer avec la vision locale que peut offrir l’analyse iconographique des programmes peints et/ou sculptés qui ont été retenus.

B. Chronologie

L’Hôpital Saint-Jean de Jérusalem et le Temple ont leur chronologie propre définie par la rédaction de leurs Règles respectives, de leurs Retraits et de leurs Esgarts, de l’élection de leurs maîtres. Cette chronologie est reportée en tableaux chronologiques qui ont été complétés en premier lieu par la chronologie événementielle des croisades qui ont suscité leur essor pour l’un, et sa naissance pour l’autre, en second lieu par la chronologie générale occidentale ensuite.
Par « chronologie générale occidentale » il faut entendre les dates d’élection des papes, les dates de règne des grands princes de la Chrétienté, celles de fondation d’ordres religieux, celles de bulles pontificales qui ont une incidence sur l’Hôpital Saint-Jean et le Temple en tant qu’ordres exemptés, celles de conflits entre le pape et les princes, etc.
On obtient ainsi un tableau chronologique relativement complexe d’une quinzaine de pages sur deux colonnes, à l’échelle de l’Europe chrétienne médiévale, et il est ainsi mieux aisé de comprendre les connexions entre le temporel et le spirituel, les aspects et conséquences religieuses et militaires des politiques des princes comme du pape.
Le acteurs et les événements ne semblent plus séparés -comme la langue nous y oblige par sa sémantique, et l’historien, surtout s’il n’est pas chevronné, peut tenter de comprendre la vie et l’œuvre des hospitaliers de Saint-Jean et celle des templiers à grande échelle pendant deux siècles, dans un Occident en pleine mutation et un Orient bouleversé par la tectonique des Croisades.

C. Cartographie

Une fois le pré-inventaire établi, le corpus défini, les ouvrages et sources archivistiques hospitalières et templières consultés et assimilés, et après avoir fixé les jalons chronologiques, il est indispensable de se repérer dans l’espace géographique occidental et oriental des 12e-13e siècles jusqu’à 1312. La consultation de cartes historiques britanniques et allemandes est précieuse, car à la différence de nombreuses cartes historiques françaises, elles sont dessinées avec une échelle graphique qui permet une réelle lecture de l’espace, une prise en compte des distances parcourues par les hommes du Moyen Age. Cela est vrai pour la Syrie-Palestine comme pour l’Europe occidentale.
La lecture des cartes historiques d’un espace aussi vaste est complétée simultanément par la consultation de cartes géographiques, notamment physiques.

Ensuite il faut dresser des cartes au 250 000e ou au 200 000e –un coefficient supérieur manque de précision- enserrant l’espace de notre corpus. J’ai utilisé d’abord des cartes routières à ces échelles, puis j’ai reporté sur celles-ci les zones-frontières des comtés de Maine-Anjou, de Blois, les chemins de pèlerinage majeurs et mineurs dans l’exemple d’Artins notamment, car la situation de cet établissement conventuel -on le verra dans la monographie d’Artins- fut éminemment complexe aux 12e-13e siècles. Pour les autres membres du corpus, il a suffi de reporter sur les cartes au 200 000e ou au 250 000e la localisation des sites étudiés, en étudier superficiellement la géographie, et y dessiner, lorsqu’elles étaient connues, les commanderies et maisons templières et hospitalières voisines.
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